vendredi 1 janvier 2016

2005

Jeudi 30 juin
Le ciel étant incertain, nous partons une journée en Vendée à la découverte d’un musée consacré aux chouans et aux crimes de la Terreur. Souvenir de mes jeux royalistes où j’incarnais George Cadoudal, Karl Jean Cottereau et Hermione Jean de Florette à la chasse des Bleus à saigner. Ce trio enfantin me reste comme le meilleur de ce passage au château d’O : intense complicité de deux garçons et une fille de l’année 69, affection développée par les multiples jeux partagés, imagination débordante pour nourrir nos gourmandises ludiques, l’affirmation progressive de nos caractères préadolescents sans fragilisation de nos liens. Voilà tout le positif de ce partage dans un cadre unique, féerique. Quel dommage que la dimension apportée par Heïm se charge de peu reluisantes dérives.
Tous les sujets mènent à Heïm ? Impression de ces dernières pages. Un T.O.C. littéraire ? No Comment.


Mardi 26 juillet
Hier soir, appel inattendu de Heïm. Il vient d’avoir, quatre heures durant, la première petite amie identifiée de Hubert qui a partagé avec lui notre appartement commun à Pantin. Occasion de déverser ses souvenirs et analyses ; pour Heïm, l’absorption de quelques bisons et la plongée dans ses sempiternelles interrogations. L’objet de son appel : comprendre le gouffre entre l’affection manifestée lors de mon dernier passage exprès (conclu par le gerbage dans la voiture de Karl) et le silence quasi absolu qui s’en est suivi. Comme à chaque fois, dominante d’un monologue outrancier et déformateur de mes propos. Aucune envie de polémique avec lui, j’absorbe cette logorrhée verbale tout en glissant quelque semblant d’explications. Que faire, que dire, lorsqu’on ne ressent plus qu’un grand vide étranger lors de ces manifestations sporadiques ? Rompre en clair, puisque la signification de mon comportement ne lui suffit pas ? Je ne lui fournirai pas cette ultime victoire prétendue sur la justesse de ses prévisions (prédictions). Le balancier entre son affection affichée et les reproches larvés conditionne son approche. Je limite mes rares interventions au « rien à déclarer ». Ses soixante ans se feront sans ma présence, tout juste une petite manifestation par courrier ou texto.
Parmi son fatras argumentatif, nouvelle allusion à la non-publication de mon Journal : pas une question financière (je m’en serais douté !) mais le décalage incongru (et donc intolérable pour lui) entre sa formidable réussite actuelle et la narration de mon échec. MON échec ? Voilà un nouveau motif bien gonflé de mauvaise foi. Oublié l’action collective, ne reste plus que mon endossement final pour protéger les autres. Alors soit ! Qu’il me pardonne alors ce détachement critique que je ne réfrènerai pas. Tout intègre, fidèle, magnifique qu’il se dépeint, la salauderie n’est pas loin…


Samedi 13 août
Hier, Heïm a eu soixante ans, à fêter dans le cercle le plus restreint qu’il pouvait imaginer. Aucun enfant de sang à ses côtés, des enfants de cœur réduits à la furtive présence de Karl, son épouse, sa mère peut-être, et sa complice collaboratrice Monique. A moins que quelques amis lui aient rendu visite. Pour ma part, j’ai limité ma manifestation à un courriel lapidaire. Peut-être lui enverrais-je un présent depuis la Touraine, lors de ma petite semaine de vacances.


Lundi 29 août
Lors d’un déjeuner avec ma BB, j’évoquais l’idée de reprendre contact avec Alice, une fois Heïm décédé. Pourquoi attendre ? Pour ne pas présenter le flanc aux critiques qui conforteraient un peu plus Heïm dans ses certitudes d’avoir raison sur tout et tous. Je dois l’avouer, les deux êtres dont je regrette de m’être éloigné pour la complicité quasi permanente que l’on partageait se résument à Karl et Alice. Si je conserve un lien épisodique avec le premier, la seconde a subi mes foudres, et sans doute ma haine circonstancielle, lors de sa rupture affective avec Heïm et surtout de son départ avec Leborgne me laissant la charge de liquider Sebm. Très loin tout cela, et j’en viens presque à lui donner raison. J’espère qu’elle ressent les mêmes choses, et qu’une fois la lourde présence de Heïm évanouie, nous pourrons rétablir une saine et inaltérable affection.

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